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PL n°584 relative à la gratuité des transports scolaires

Les associations de parents d’élèves font le constat unanime de la hausse conséquente du coût du transport scolaire ces dernières années.

Le transfert de la compétence des transports scolaires aux régions n’a pas œuvré à l’harmonisation tarifaire.

C’est pourquoi Alain Bruneel et les députés du groupe GDR ont déposé une proposition de loi sur la gratuité des transports scolaires, faisant valoir que sii l’école est gratuite, y aller doit l’être aussi. Ce principe de gratuité est en effet indissociable de la solidarité nationale, de la politique en faveur de la jeunesse, de l’éducation et de l’égalité des chances.

présentée par Mesdames et Messieurs les député-e-s :
Alain BRUNEEL, Bruno Nestor AZEROT, Huguette BELLO, Moetai BROTHERSON, Marie-George BUFFET, André CHASSAIGNE, Pierre DHARRÉVILLE, Jean-Paul DUFRÈGNE, Elsa FAUCILLON, Sébastien JUMEL, Jean-Paul LECOQ, Jean-Philippe NILOR, Stéphane PEU, Fabien ROUSSEL, Gabriel SERVILLE, Hubert WULFRANC,

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,
Le préambule de la Constitution, dispose que « l’organisation de l’enseignement public gratuit et laïc à tous les degrés est un devoir de l’État » et que « la nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à la formation professionnelle et à la culture ».
Le principe de l’éducation gratuite a été réaffirmé dans la déclaration universelle des droits de l’enfant du 20 novembre 1959 : « L’enfant a droit à une éducation qui doit être gratuite et obligatoire au moins aux niveaux élémentaires ».
Il a fallu attendre, en France, les lois Ferry du 16 juin1881 pour que l’enseignement primaire devienne gratuit, disposition qui fut étendue aux classes maternelles et enfantines par la loi du 30 octobre 1896.
Si la gratuité ne constitue toujours pas un principe à valeur constitutionnelle ni un principe général du droit, elle est codifiée aux articles L. 132-1 du code de l’éducation pour l’enseignement primaire et L. 132-2 pour l’enseignement secondaire.
Le premier de ces articles dispose que « l’enseignement public dispensé dans les écoles maternelles et les classes enfantines et pendant la période d’obligation scolaire (…) est gratuit », le second que « l’enseignement est gratuit pour les élèves des lycées et collèges publics qui donnent l’enseignement du second degré, ainsi que pour les élèves des classes préparatoires aux grandes écoles et à l’enseignement supérieur des établissements d’enseignement public du second degré ».
Les familles n’ont pas à participer aux dépenses pédagogiques et la gratuité s’étend aux fournitures scolaires à usage collectif comme aux manuels scolaires.
Ces derniers sont à la charge des communes ou de leurs groupements dans les écoles primaires et des départements dans les collèges et à la charge des familles pour les lycéens et apprentis.
La plupart des régions en assurent désormais la gratuité soit sous forme de dotation aux établissements, soit sous forme d’aides qui permettent aux élèves d’acheter leurs manuels.
Il subsiste cependant d’importantes inégalités territoriales concernant les dépenses liées à la scolarité, qu’il s’agisse des dépenses de fournitures, de restauration ou de transport.
Sur ce dernier poste de dépenses, les associations de parents d’élèves font le constat unanime de la hausse conséquente du coût du transport scolaire ces dernières années et du fort recul ces dix dernières années de la gratuité des transports scolaires.
Selon une étude de l’Association nationale pour les transports éducatifs de l’enseignement public (ANATEEP), dans les ressorts territoriaux (RT) des autorités organisatrices de la mobilité, le coût des transports scolaires a ainsi augmenté de près de 10 % (9,6 %) ces quatre dernières années avec une moyenne annuelle par élève transporté de 800 euros, qui varie du simple au double selon les territoires. Ce coût est ainsi de 431 euros par élève et par an sur le territoire des métropoles et communautés urbaines.
Selon une étude du CEREMA de 2017, portant sur l’année 2015 le coût moyen du transport scolaire s’élève à 1 029 euros par élève et par an hors agglomération.
Le coût supporté in fine par les familles est lui-même très variable. Selon une étude de la Confédération syndicale des familles, le taux de prise en charge par les familles varie ainsi de 0 % à 38 % du coût supporté par la collectivité.
Les critères ouvrant droit au transport scolaire sont enfin très loin d’être harmonisés. 85 % des départements ont ainsi établi un seuil de trois kilomètres entre le domicile et l’établissement pour ouvrir droit au transport scolaire ; 70 % des Autorités organisatrices de la mobilité fixent à 3 ans l’âge minimum des publics pris en charge, mais près d’un quart fixe ce seuil à 6 ans et 10 % à partir de 11 ans et l’entrée des élèves au collège.
La hausse globale du coût du transport scolaire pour les familles et la permanence des disparités territoriales tiennent à la fois à la dilatation des ressorts territoriaux des agglomérations, à l’augmentation des effectifs d’élèves transportés, aux contraintes financières qui pèsent sur les budgets des collectivités.
La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République qui prévoit le transfert de la compétence des transports scolaires aux régions en tant qu’autorité organisatrice de premier rang n’a pas œuvré à l’harmonisation tarifaire.
Si la loi a consacré un principe de neutralité du transfert en prévoyant la compensation intégrale des charges transférées des départements vers les régions, cette compensation est équivalente aux dépenses effectuées, à la date du transfert, par le département au titre des compétences transférées. La loi a en outre laissé la faculté aux régions de tenir compte des spécificités locales, en déléguant l’exercice de cette compétence à une autre collectivité territoriale ou à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre.
Dans les faits, lors de la rentrée de septembre 2017, les régions ont reconduit la situation très inégalitaire qui prévalait antérieurement.
Cette situation heurte le principe d’égal accès de tous au service public et appelle l’intervention du législateur pour garantir une égalité de traitement des élèves sur l’ensemble du territoire.
Les transports scolaires sont aujourd’hui le moyen d’accès à l’éducation de plus de 3,8 millions d’élèves, dont deux millions d’élèves hors agglomération.
Pour satisfaire à l’objectif d’égalité de traitement des élèves, il serait cohérent de faire prévaloir ici le principe de gratuité des transports scolaires, portant sur un aller-retour quotidien pour le trajet domicile-établissement scolaire. Si l’école est gratuite, y aller doit l’être aussi.
La gratuité des transports scolaires est aujourd’hui plébiscitée par les associations de parents d’élèves, qu’il s’agisse de la gratuité totale ou d’une gratuité assortie d’une contribution « citoyenne » des familles dans la limite de 5 % des coûts engagés par la collectivité.
Ce principe de gratuité est pour nous indissociable de la solidarité nationale, de la politique en faveur de la jeunesse, de l’éducation et de l’égalité des chances.
Elle est aussi un moyen de lutte contre le décrochage scolaire qui touche plus les familles populaires.
Le transport scolaire, son coût, sa fréquence ainsi que sa couverture territoriale pèse sur les choix d’orientation des élèves. Ces choix, comme l’a montré une étude du Cereq, peuvent provenir d’anticipations rationnelles de la part des élèves quant aux possibilités matérielles de poursuivre des études longues : les élèves de milieux défavorisés pourraient anticiper un problème lié au coût des études (frais de scolarité et coût d’opportunité des études), ou à l’éloignement des institutions qui offrent les filières correspondantes aux études longues (obligeant les élèves à passer beaucoup de temps dans les transports ou à financer un logement en dehors du domicile familial).
Dans ce contexte, l’objet de la présente proposition de loi est donc d’assurer la gratuité des transports scolaires pour tous les enfants inscrits dans un établissement scolaire, indépendamment des conditions de ressources de leurs familles, et de faire ainsi reconnaître le droit inaliénable pour tout élève ou apprenti, de la maternelle au lycée, de se rendre gratuitement sur son lieu d’enseignement.
Nous proposons ainsi, dans un article 1er de compléter la sous-section 3 de la section 1 du chapitre 1er du titre 1er du livre 1er de la 3ème partie du code des transports, par un article L. 3111-9-1 visant à faire obligation aux régions de participer au financement des frais de transports scolaires et d’en assurer la gratuité, y compris lorsqu’en application de l’article L. 3111-9 du même code la région ne prend pas en charge elle-même l’organisation de ces transports.
Afin de préciser les contours de cette gratuité, nous proposons que les critères de prise en charge soient précisés par décret en Conseil d’État.
Nous proposons ensuite, dans un article 2, qu’en cas de création d’un ressort territorial de l’autorité organisatrice de la mobilité ou de modification d’un périmètre existant au 1er septembre 1984 incluant les transports scolaires, la convention passée entre l’autorité compétente de la mobilité et la région prévoit, outre les conditions de financement des services de transports scolaires, des dispositions visant à en assurer la gratuité pour les ayants droit.
Le renforcement du rôle des régions en matière de transports intervenu avec la réforme territoriale, dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint, implique de doter les régions des moyens d’assumer leurs compétences.
Afin de permettre aux régions de financer en particulier la gratuité des transports scolaires, nous proposons à l’article 3, conformément aux préconisations du « livre blanc des régions pour la mobilité » rendu public en novembre dernier, de leur permettre de disposer d’un levier fiscal adéquat.
Les régions ont pour leur part proposé de compenser les coûts des transports et de leurs externalités par l’extension de la taxe intérieure de consommation des produits énergétiques (TICPE) ou encore la généralisation du versement transport.
Alors qu’aujourd’hui, seules les autorités organisatrices de mobilité et la région Île-de-France, dans le cadre d’Île-de-France Mobilités (ex- syndicat des transports d’Île-de-France), bénéficient de l’apport du versement transport, nous proposons la mise en place d’un versement transport régional au taux de 0,20 % en complément du taux existant dans le ressort territorial de l’autorité organisatrice de la mobilité et de 0,30 % dans les territoires situés hors du ressort territorial de l’autorité organisatrice de mobilité.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er
Après l’article L. 3111-9 du code des transports, il est inséré un article L. 3111-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 3111-9-1. – La région, y compris lorsque, en application de l’article L. 3111-9, elle ne prend pas en charge elle-même l’organisation des transports scolaires, participe au financement des transports scolaires afin d’en assurer la gratuité pour les familles, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
Article 2
Le premier alinéa de l’article L. 3111-8 du code des transports est complété par les mots : « et en assure la gratuité pour les ayants droit ».
Article 3
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Après le 3° du I de l’article L. 2333-64, il est inséré un 4° ainsi rédigé :
« 4° Et dans une région, compétente pour l’organisation des transports régionaux de voyageurs. » ;
2° À la fin de l’article L. 2333-66, les mots : « ou de l’organe compétent de l’établissement public » sont remplacés par les mots : « de l’organisme compétent de l’établissement public, ou du conseil régional » ;
3° Le II de l’article L. 2333-67 est ainsi rétabli :
« II. – Le taux de versement est fixé ou modifié par délibération du conseil régional, hors région d’Île-de-France, dans la limite de :
« 1° 0,20 % en complément du taux existant dans le ressort territorial de l’autorité organisatrice de la mobilité ;
« 2° 0,30 % dans les territoires situés hors du ressort territorial de l’autorité organisatrice de la mobilité. » ;
4° L’article L. 2333-68 est ainsi modifié :
a) À la première et deuxième phrase, après le mot : « versement », sont insérés les mots : « mentionné au I de l’article L. 2333-67 » ;
b) Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Le versement mentionné au II de l’article L. 2333-67 du présent code est affecté au financement des dépenses liées à l’organisation des transports régionaux. » ;
5° L’article L. 2333-70 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa du I, les mots : « ou de l’établissement public » sont remplacés par les mots : « de l’établissement public ou de la région » ;
b) Au premier alinéa du II, les mots : « ou établissements publics territorialement compétents » sont remplacés par les mots : « , établissements publics territorialement compétents ou régions » ;
c) Au deuxième alinéa du II, les mots : « aux communes ou aux établissements publics » sont supprimés ;
6° À l’article L. 2333-71, les mots : « ou l’établissement public répartit » sont remplacés par les mots : « , l’établissement public et la région répartissent » ;
7° Au premier alinéa de l’article L. 2333-74, les mots : « est habilité » sont remplacés par les mots : « et la région sont habilités ».
Article 4
Les charges résultant pour les collectivités territoriales de l’application de la présente loi sont compensées par la majoration, à due concurrence, de la dotation globale de fonctionnement et corrélativement pour l’État par la création d’une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Pour en savoir plus, consultez aussi :

L’intervention d’Alain Bruneel, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation
L’intervention de Jean-Paul Dufrègne lors de la discussion générale

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Alain
Bruneel

Député du Nord (16ème circonscription)
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