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Propositions de loi

Environnement : instaurer une planification écologique

Mesdames, Messieurs,
L’humanité est entrée en état d’urgence écologique. Le réchauffement climatique dû aux trop nombreuses émissions de gaz à effets de serre liées aux activités humaines met en danger la vie sur terre. Les premiers responsables de cette situation sont de très loin les pays occidentaux. Il leur revient de prendre leurs responsabilités et de montrer l’exemple.
En France, notre système économique et notre mode de vie consomment l’équivalent de trois planètes ! Si tous les habitants du monde vivaient comme nous, ce serait physiquement et matériellement impossible.
Face à cette situation, le Président Nicolas Sarkozy et son gouvernement accumulent les non-sens écologiques : libéralisation de l’énergie et du rail, fermetures ou privatisations des services publics de proximité (postes, hôpitaux, etc.), ouvertures des commerces le dimanche augmentant ainsi les déplacements, plan de relance favorable aux autoroutes et au transport aérien.
La bataille contre l’effet de serre ne peut se réduire à la somme des modifications de comportements individuels. Elle ne pourra être remportée sans assumer des ruptures avec le productivisme. Elle met à l’ordre du jour un véritable changement de modèle de société et le retour à l’action des pouvoirs publics, au service de l’intérêt général. Aussi la fiscalité ne peut être la seule réponse politique à l’urgence écologique. Au laisser-faire libéral, comme au mythe du marché régulé, il faut opposer la volonté politique. Les seules mesures incitatives ou correctives avancées par le gouvernement ne suffiront pas pour stopper à temps la marche du capitalisme au désastre écologique.
***
Pour promouvoir un modèle de progrès humain qui soit à la fois structurellement respectueux des écosystèmes et émancipateur pour les personnes, c’est-à-dire assurant à chacun la satisfaction de ses besoins et une prise réelle sur sa vie, ainsi que pour réduire l’empreinte écologique de nos activités, nous proposons l’outil de la planification écologique. Le Plan écologique (article 1er) donnera la possibilité d’organiser la bifurcation vers un autre mode de développement, en interrogeant nos besoins et en réorientant production, échange et consommation en vertu de leur utilité sociale et écologique. Il sera organisé, non comme une planification autoritaire, mais comme un outil public permettant d’orchestrer la phase de transition, de manière démocratique, et de le décliner à tous les niveaux pertinents tout en respectant l’autonomie des acteurs. Il ne s’agit certes pas pour nous de chercher à ressusciter de ses cendres le défunt Gosplan soviétique ! Le processus de planification tel que nous le concevons sera donc démocratique car de telles ruptures seront impossibles sans une large implication populaire.
Il faudra donc vouloir, définir et organiser le processus de transition qui nous y mènera, par une analyse critique de nos besoins et de l’utilité sociale de la production, la réorientation de notre système productif aujourd’hui guidé par le seul souci du profit à court terme, et une redéfinition profonde de notre modèle économique qui ne soit plus dominé par une rentabilité financière à court terme et la prédation de notre environnement mais qui prenne en compte des objectifs clairs en termes de réduction de la consommation énergétique et de contrôle de l’utilisation des ressources disponibles sur Terre. Cela nécessite que soient définis, puis mis en œuvre, des choix collectifs, que ces choix soient débattus démocratiquement et qu’ils organisent pour la longue durée les objectifs comme les moyens qui seront nécessaires. L’indispensable réorientation drastique des choix de politique énergétique, d’aménagement du territoire ou de transport, suppose une action qui soit à la fois coordonnée, volontariste et inscrite dans le long terme. Ce temps long n’est pas celui du marché mais celui de l’action publique. Pour répondre à la crise écologique dans un cadre de justice sociale, une sortie du capitalisme est indispensable.
Pour organiser la planification écologique, il faudra au préalable identifier les biens communs et les services publics qui constituent les droits fondamentaux, et en organiser la production et la gestion publique. Trouver le niveau pertinent d’articulation entre le central et le local, explorer les voies de la socialisation et de la réappropriation citoyenne. Enfin, parce qu’il s’agit de rétablir des équilibres naturels fondamentaux qui ont été profondément déstabilisés, comme de transformer des structures économiques, sociales, ou culturelles héritées du passé, les objectifs devront être définis pour le long terme, tout en engageant des moyens immédiats pour les premières ruptures. Ce contenu sera défini dans le Plan écologique de la Nation (article 2).
Ce Plan écologique permettra d’éclairer l’avenir à long terme par une réflexion prospective. C’est à cet horizon que seront définis les objectifs. Parce qu’ils engagent profondément l’avenir et conduiront à modifier durablement les conditions de prise en compte de l’intérêt général, ils devront être validés par la sanction démocratique. Une première étape s’appuiera sur la démocratie participative et l’organisation de débats publics sur le progrès humain que nous voulons.
L’ensemble des forces du pays, partis politiques, organisations syndicales et professionnelles, associations, organisations non gouvernementales, citoyens aura à s’y exprimer et trouvera à faire valoir ses arguments. Reprenant la tradition de la « planification à la française », ce processus sera concerté à chacune de ses étapes. Sous le contrôle du Parlement, ces débats publics doivent permettre de dépasser les contradictions actuelles entre les intérêts économiques, sociaux et environnementaux pour définir ce qui est l’intérêt général. Ils doivent également permettre de questionner notre mode de développement actuel et d’organiser la bataille culturelle contre le modèle de la consommation prédatrice en construisant un modèle fondé sur la redéfinition de nos besoins. Enfin, ils permettront de décider, collectivement, des solutions technologiques et économiques à mettre en œuvre pour satisfaire nos besoins sans porter atteinte aux écosystèmes.
Puis la loi de Plan écologique sera débattue et votée au Parlement afin d’organiser les moyens nécessaires à moyen et court termes en les définissant à un horizon pluriannuel ; les engagements budgétaires des lois de finances devront chaque année venir s’y inscrire, en prévoyant la mobilisation financière des entreprises des secteurs de l’énergie, de la finance et des assurances, ainsi que les entreprises cotées au CAC 40.
Si à travers ce processus démocratique, l’État peut ainsi se voir fixer ses objectifs et ses priorités d’investissement, il ne peut se limiter à lui-même et laisser les autres acteurs à leur propre horizon. Puisqu’il s’agit de construire un nouveau modèle de société, le processus planificateur doit viser à impliquer et mettre en marche l’ensemble de la société elle-même. C’est l’ensemble des acteurs de la vie économique et sociale qui doit y être associé et impliqué. Cela se fera de manière différenciée.
D’abord, le Plan écologique doit obliger tous ceux qui dépendent directement de l’État : services publics et entreprises nationales ; pour eux les objectifs du Plan écologique revêtent un caractère contraignant et leurs moyens budgétaires sont organisés en fonction de ses objectifs.
Pour les autres acteurs économiques, et en premier lieu les collectivités territoriales et le secteur de l’économie sociale et solidaire, leur implication est essentielle, mais elle ne peut se faire que dans le respect de leur autonomie. Ainsi, en échange d’un engagement à réaliser les objectifs définis par le Plan écologique, l’État pourra apporter des moyens supplémentaires à leurs ressources propres. La planification sera alors indicative et engagera un processus contractuel.
Enfin, pour les entreprises privées du secteur marchand, si la possibilité d’une implication dans le processus contractuel reste toujours possible, les conditions qui leur seront faites quant à l’accès aux moyens publics (aides et subventions, accès au crédit…) seront modulées en fonction du respect de critères de responsabilité sociale et environnementale. La planification se fera ici fermement incitative. Les droits d’interventions des institutions représentatives du personnel au sein des entreprises (CE, CHSCT) et des délégués syndicaux seront élargis et protégés en conséquence. Enfin, par une profonde refonte fiscale notamment, des éléments contraignants viendront compléter ce dispositif afin d’assurer qu’aucun acteur ne s’exonère de la coresponsabilité de contribuer au processus de transformation décidé par les citoyens.
Cette planification écologique sera donc l’œuvre de l’État et des collectivités territoriales, en particulier à travers des contrats État-Régions garantissant l’égalité des citoyens devant cette révolution écologique. Elle devra permettre de relocaliser des pans entiers de la production en créant des emplois. Elle doit organiser la conversion thermique des bâtiments d’habitation comme professionnels et stopper l’étalement urbain, source de déplacements inutiles et dévoreur d’espaces agricoles. Elle devra garantir un financement renforcé des transports collectifs (réouverture de lignes SNCF, en particulier des transversales, financement de matériel TER), le transfert du fret de la route vers le rail, les voies navigables, le cabotage... Elle passe enfin par la réappropriation publique du secteur de l’énergie (EDF-GDF et Total) que le marché pousse actuellement à la surproduction et à la surconsommation en le détournant de sa mission de service public. Autant de mesures qui supposent de remettre en cause l’ouverture à la concurrence dans les transports et l’énergie qui a conduit à une véritable anarchie marchande au détriment de toute vision de long terme.
***
La planification écologique envisagée par la présente proposition de loi s’appuie notamment sur les structures suivantes :
– Le Commissariat à la planification écologique (article 3) serait créé en remplacement du Centre d’analyse stratégique (ancien Commissariat général du Plan). Il serait chargé d’élaborer la synthèse nationale des consultations décentralisées sous la forme d’un plan écologique, indicatif et incitatif. Il veillerait à l’adéquation de l’ensemble des politiques publiques et des projets d’infrastructures avec les objectifs et les contraintes fixées dans le Plan écologique en vigueur et les contrats en ayant résulté entre les acteurs publics et privés.
– La Délégation interministérielle à l’Aménagement écologique des territoires (article 4) prendrait la succession de la Délégation interministérielle à l’aménagement et à la compétitivité du territoire (DIACT) – ou de la Délégation à l’aménagement du territoire et à l’action régionale (DATAR) si, entre temps, le Gouvernement a renommé la DIACT de son ancien nom, comme l’a annoncé le ministre de l’Espace rural et de l’Aménagement du territoire, le 7 octobre 2009. La Délégation interministérielle à l’Aménagement écologique des territoires serait chargée de préparer, impulser et coordonner entre les différents acteurs publics et privés la mise en œuvre des priorités et des axes définis dans le plan quinquennal écologique. Elle assurerait une fonction d’interface entre les politiques européennes, les politiques nationales et les actions locales, relatives au plan quinquennal. Elle piloterait et coordonnerait l’attribution des crédits.
– La Commission nationale du débat public (article 5) serait chargée de l’organisation et de la supervision des débats aux échelons territoriaux. Les conférences de participation populaire se réuniraient soit par commune, soit par regroupements de communes selon une logique de vie territoriale. Elles se réuniraient ensuite au niveau départemental ou régional.
Tel est le contenu de la proposition de loi qu’il vous est demandé, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir adopter.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

Alain
Bocquet

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