Propositions

Propositions de loi

PL n° 2485 - tendant à renforcer les droits des personnes liées par un pacte civil de solidarité

EXPOSE DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le pacte civil de solidarité (PACS) va bientôt fêter ses dix ans et son succès est aujourd’hui incontestable. 146 084 PACS ont été signés en 2008, soit une augmentation de 43 % par rapport à 2007. Au cours de la même période, 273 500 mariages ont été célébrés, soit autant qu’en 2007.
Depuis sa création par la loi du 15 novembre 1999, plus d’un million de personnes ont aujourd’hui choisi cette nouvelle forme d’union, désormais entrée dans les mœurs aux côtés du concubinage et du mariage. Ce « troisième mode de conjugalité » a répondu à des aspirations nouvelles, générées par l’évolution de la société et des besoins des personnes vivant en couple. Il trouve son origine dans la volonté d’offrir à tous les couples, aussi bien hétérosexuels qu’homosexuels, un statut juridique davantage organisé que le simple concubinage. Il a ainsi permis à des couples qui ne pouvaient ou ne voulaient pas se marier d’avoir enfin une protection et des droits, ce qui leur était dénié jusqu’alors.
Le succès du PACS tient à l’équilibre qu’il offre entre la souplesse du concubinage et la protection du mariage. Il permet à deux personnes vivant ou désirant vivre ensemble d’organiser juridiquement leur vie commune. Il établit des droits et des obligations entre les deux partenaires, en termes de soutien matériel, de logement, de patrimoine, d’impôts et de droits sociaux.
Depuis 1999, de nombreuses évolutions ont été apportées par la loi pour améliorer le régime juridique auquel sont assujetties les personnes liées par un pacte civil de solidarité. La loi de finances pour 2005 avait déjà modifié les règles fiscales applicables, depuis le 1er janvier 2005, aux partenaires liés par un PACS. En matière d’impôt sur le revenu, les personnes liées par un PACS font l’objet d’une imposition commune comme les couples mariés, c’est-à-dire dès la première année de conclusion du PACS.
La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions a transformé la nature même du PACS : elle en fait un véritable statut du couple, intégrant l’état de la personne, et ne le restreint plus à un simple contrat. Elle a renforcé la solidarité dans le couple : les partenaires doivent s’apporter une aide matérielle et une assistance réciproques et sont solidaires pour les dettes de la vie courante. Elle a étendu au partenaire survivant certains droits offerts au conjoint survivant (droit au maintien dans le logement), sans pour autant assimiler les deux statuts. Enfin, la loi du 23 juin 2006 a fait du régime de la séparation de biens le régime matrimonial de droit commun du PACS.
La dernière avancée en faveur des personnes liées par un PACS a été concédée par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat du 21 août 2007, qui a aligné les droits de succession et les droits de mutation applicables aux couples pacsés sur ceux applicables aux couples mariés.
Néanmoins, la situation des personnes liées par un PACS pourrait encore être améliorée. Tout d’abord, la conclusion du PACS au tribunal d’instance tend à le marginaliser par rapport au mariage et même au concubinage, le certificat de vie commune étant délivré par les services d’état civil de la mairie.
Ensuite, il convient de faire évoluer le PACS vers davantage d’égalité en matière de droits sociaux. Cette évolution est de plus en plus attendue par les partenaires eux-mêmes mais aussi recommandée par diverses institutions. En avril dernier, le Médiateur de la République, constatant que les dix années du PACS auront révélé « des dysfonctionnements, sources d’inégalités entre les personnes pacsées », a préconisé une amélioration de la législation. Il propose ainsi « cinq axes de réforme pour cinq situations inéquitables » : quatre sont censés améliorer les droits sociaux des partenaires pacsés ; le cinquième, qui visait à faire reconnaître la validité et les effets des partenariats enregistrés à l’étranger, a été satisfait par la loi de simplification et de clarification du droit du 12 mai 2009.
Il recommande tout d’abord d’accorder le capital décès au partenaire pacsé avec un fonctionnaire et de verser des indemnités de mobilité dans l’armée pour les personnes pacsées, comme c’est le cas dans l’ensemble de la fonction publique. Ces propositions relevant du domaine réglementaire, il appartient au ministre compétent de modifier l’article D. 712-20 du code de la sécurité sociale pour remédier à cette inégalité s’agissant du capital décès et le régime indemnitaire pour les fonctionnaires s’agissant des indemnités de mobilité dans l’armée. Il recommande enfin de donner droit au congé de quatre jours aux salariés qui se pacsent et de garantir le droit à pension de réversion aux partenaires pacsés depuis deux ans. Ces préconisations, qui relèvent de la loi, permettraient de renforcer les droits des partenaires liés par un PACS et de leur garantir une égalité de droits.
Le contexte est aujourd’hui favorable pour envisager une modification d’ampleur de la législation.
1° Le lieu d’enregistrement du PACS
Lors de l’examen en 1999 de la proposition de loi instaurant le PACS, les parlementaires communistes et républicains avaient estimé préférable que le PACS soit signé au service d’état civil de la mairie, et non au greffe du tribunal d’instance. La mairie, plus accessible et plus proche des citoyens, est également le lieu où sont déjà déclarés tous les actes importants de la vie : naissance, mariage, décès et certificats de vie commune. De plus, le fait que le PACS intègre l’état des personnes, mention en étant portée en marge de l’acte de naissance, contribue encore davantage à faire de la mairie le lieu naturel d’enregistrement du PACS.
Enfin, il est à noter qu’avec la suppression de 178 tribunaux d’instance suite à la réforme de la carte judiciaire de 2008, les personnes souhaitant signer un PACS se retrouveront encore plus éloignées de leur tribunal d’instance. C’est pourquoi l’article 1er et l’article 2 prévoient que la signature d’un PACS aura lieu en mairie et non au greffe du tribunal d’instance.
De plus, à l’instar de ce qui existe pour les personnes souhaitant se marier « in extremis », il est prévu que, dans les mêmes conditions, un officier d’état civil pourra enregistrer la signature d’un PACS en cas d’empêchement grave ou de péril imminent de mort.
2° L’acquisition de la nationalité
Aujourd’hui, la signature d’un pacte civil de solidarité ne confère aucun droit à la nationalité pour le partenaire étranger. Pourtant, le texte issu de la commission des lois de l’Assemblée nationale en octobre 1998 – rejeté par les députés – prévoyait la prise en compte du pacte civil de solidarité dans l’examen d’une demande de naturalisation : « le fait pour un étranger d’être lié à un Français depuis au moins un an par un pacte civil de solidarité est pris en compte, dans le cadre de l’examen d’une demande de naturalisation, pour apprécier son assimilation à la communauté française. ». Cette proposition constituait une avancée significative en matière de droits des étrangers. Les auteurs de la présente proposition de loi prévoient donc de reprendre, en la rendant plus ambitieuse, cette proposition et de permettre l’égal accès à la nationalité française pour les étrangers qui signent un PACS, comme pour ceux qui se marient (article 3).
3° Les droits sociaux
C’est certainement dans ce domaine que les inégalités entre couples mariés et couples pacsés sont les plus importantes. L’évolution de la législation dans ce domaine est d’autant plus urgente que la justice européenne et certaines institutions nationales ont été saisies de la question de l’égalité des droits sociaux.
Elle a également constitué un engagement de Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle. Il s’était alors prononcé en ces termes sur une éventuelle extension des droits des personnes liées par un PACS : « Je suis donc pour une union civile homosexuelle qui ne passe pas par le greffe du tribunal d’instance, mais par la mairie. C’est logique. Et je vais ajouter ceci que je n’ai jamais dit encore : cette union civile, à la mairie, entraînera une égalité fiscale, sociale, patrimoniale totale avec les couples mariés, qui ira, par exemple, jusqu’au droit à la pension de réversion pour le conjoint homosexuel ».
Les auteurs de la présente proposition de loi prévoient d’améliorer le régime de la pension de réversion et celui des droits à congés pour événements familiaux en faveur des personnes liées par un PACS.
– Le droit à pension de réversion
Si la loi reconnaît le caractère patrimonial du PACS, le devoir de solidarité et d’assistance réciproques des partenaires pacsés durant leur vie de couple, cette solidarité s’éteint avec le décès d’un des partenaires. Or, la jurisprudence européenne ou, en France, la Haute autorité de lutte contre les discriminations (HALDE), ont considéré comme discriminatoire l’interdiction légale faite au partenaire survivant lié par un PACS de bénéficier de la pension de réversion de son partenaire décédé.
La Cour de Justice des Communautés européennes, dans son arrêt Tadao Maruko c/Versorgungsanstalt der deutschen Bühnen du 1er avril 2008, a considéré que « le fait de refuser cette pension au motif de l’absence de mariage, qui est réservé aux personnes de sexe différent, alors qu’un partenariat ayant des effets substantiellement identiques a été enregistré entre des personnes du même sexe, constitue une discrimination indirecte en raison de l’orientation sexuelle prohibée par la directive 2000/78 ».
S’inspirant de cet arrêt, la HALDE a rendu une délibération en ce sens le 19 mai 2008 : « S’appuyant sur les dispositions de la convention européenne des droits de l’Homme, le collège de la haute autorité estime que les dispositions législatives issues du code de la sécurité sociale constituent une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle en excluant du droit à pension de réversion les partenaires survivants ».
Enfin, le Conseil d’orientation des retraites, dans son rapport du 17 décembre 2008, a qualifié l’ouverture des droits à pension de réversion pour les partenaires liés par un PACS de « piste à approfondir ».
C’est notamment en prenant appui sur ces diverses décisions que le Médiateur de la République propose d’ouvrir le droit à pension aux partenaires pacsés, en souhaitant toutefois le soumettre à la condition que le PACS ait duré au moins deux ans.
L’évolution de la nature du PACS et des liens qui unissent les partenaires durant leur vie commune nécessite un renforcement des droits des partenaires après le décès de l’un d’eux. Les auteurs de la proposition de loi proposent donc d’étendre le droit à pension de réversion au partenaire pacsé survivant. Ils n’ont pas choisi, néanmoins, de retenir une durée minimum de vie commune pour ouvrir ce droit et prévoient qu’il s’applique au prorata de la vie commune, à l’instar du droit applicable aux couples mariés (articles 4 et 5).
– Les congés pour événements familiaux
Le fait de se pacser n’est pas entièrement assimilé au mariage. Si le salarié a droit à deux jours de congé en cas de décès de son partenaire pacsé, il n’a droit à aucun jour de congé s’il se pacse ni si un de ses enfants se pacse.
En 2008, la HALDE a déclaré discriminatoire en raison de la situation de famille des salariés une convention collective qui réservait le bénéfice de congés pour événements familiaux aux seuls salariés mariés et prévoyait une prime de mariage. La HALDE a recommandé que soit consacrée dans la convention collective l’extension du bénéfice des avantages rémunérés pour événements familiaux aux salariés unis par un pacte civil de solidarité. Elle avait également demandé au gouvernement de modifier en ce sens les articles du code du travail. C’est donc cette lacune que l’article 6 de cette proposition de loi entend combler.
La solidarité dans le couple n’a cessé d’être renforcée depuis la création du PACS en 1999. Il est aujourd’hui légitime que la protection et les droits des personnes liées par un PACS suivent cette évolution.

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Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

Jean-Jacques
Candelier

Député du Nord (16ème circonscription)

Marc
Dolez

Député du Nord (17ème circonscription)

Maxime
Gremetz

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