Propositions

Propositions de loi

PL n° 2897 - visant d’une part, à instituer une taxation des transactions financières, y compris en devises de type taxe Tobin et d’autre part, à rétablir l’impôt de bourse, supprimé par la loi de finances pour 2008

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La crise qui submerge le monde depuis 2007 est indissociable d’une recherche du profit à tout prix et du développement de mécanismes financiers extrêmement dangereux pour la stabilité de la finance et de l’économie. Cette crise globale frappe tous les pays au monde, riches et pauvres, au Nord et au Sud. Globale aussi parce qu’elle revêt un caractère systémique dans la mesure où c’est la logique même du capitalisme qui y a conduit.
L’endettement particulièrement élevé des ménages – variable selon les pays – a fait fonctionner pendant quelques années les économies données encore récemment en exemple pour leur dynamisme par les économistes libéraux et les encenseurs de la libéralisation totale des marchés et des dérégulations d’une concurrence débridée : les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Irlande et l’Espagne notamment. Il s’agissait de maintenir le niveau des consommations des ménages, pour absorber ce qui avait été produit en amont, alors que leur pouvoir d’achat était plutôt en régression du fait d’une diminution relative des masses salariales dans la plupart des pays développés (blocage des salaires, diminution des interventions sociales, maintien d’un chômage de masse, développement de la précarité, etc.) Dans la plupart des pays développés le taux d’épargne des ménages est en baisse et leur niveau d’endettement progresse : les gouvernements et les entreprises bloquent les salaires tout en affirmant qu’une relance de la croissance est indispensable mais tentent de maintenir le niveau des consommations sur les marchés par une extension des endettements privés. Il est bien évident qu’aucune économie ne peut fonctionner longtemps quand elle repose sur un tel décalage.
La cause profonde de la crise financière doit être trouvée dans ce décalage qui s’est accentué sur une vingtaine d’années.
Le partage des gains de productivité de plus en plus inégalitaire, au détriment de la rémunération du travail (salaires, cotisations sociales, retraites, etc.) et au profit de la rémunération du capital, par les distributions des dividendes aux actionnaires et des rémunérations hors de raison alors que les investissements stagnaient (les sur-profits étaient très majoritairement tournés vers la rémunération directe et immédiate des actionnaires plus que vers de nouveaux investissements productifs de nouvelles richesses, de nouveaux biens ou de nouveaux services) est la cause profonde de la crise. De plus, cette crise va encore accroître l’intensité de la pauvreté dans les pays en développement où les dispositifs de protection sont inexistants.
Fiscalité et taxes globales.
La crise financière entraîne désormais celle de l’économie réelle. Elle exige la mobilisation de ressources nouvelles pour faire face aux besoins sociaux les plus urgents et relancer durablement l’économie.
Elle appelle des décisions importantes sur le plan financier pour contribuer au financement nécessaire du développement, à la réduction des inégalités globales et au financement des biens publics mondiaux. Ce sont par exemple 1 200 milliards de dollars, d’ici à 2015, qui sont nécessaires pour financer les objectifs du millénaire.
Seule la fiscalité peut fournir ces ressources pérennes et abondantes.
Or, les structures actuelles de la fiscalité posent un certain nombre de problèmes. Ainsi, la mondialisation néolibérale a pour conséquence d’accroître les inégalités fiscales entre ceux qui apportent leur travail et ceux qui détiennent le capital, en fonction du degré de mobilité internationale de ces facteurs.
La lourde étude de la Commission européenne intitulée « Taxation trends in the European Union » publiée en juin 2010 par Eurostat, montre notamment que, entre 1995 et 2010, les taux moyens d’imposition ont fortement décliné. S’agissant des rémunérations élevées, elles sont passées de 47,3 % à 37,5 %, pendant que les taux d’imposition des bénéfices des entreprises passaient de 35,3 % à 23,2 % ! Encore ne s’agit-il là que des taux nominaux qui ne rendent pas totalement compte de l’imposition réelle. L’OCDE relève aussi que durant la courte période allant de 2000 à 2003, les taux marginaux d’imposition des hauts revenus individuels avaient baissé de plus de 2 points, et que sur cette même période, les taux d’imposition sur les bénéfices (qui disent cependant peu sur l’impôt réel payé par les entreprises) a baissé de plus de 3 points.
L’abaissement du plafond de l’impôt sur le revenu de 60 à 50 % (dit bouclier fiscal) en 2007 coûte ainsi plus de 450 millions d’euros, par an, à l’État français, et bénéficie ainsi à moins de 0,05 % des contribuables, les plus riches.
La puissance publique doit se doter d’instruments fiscaux réellement redistributifs, qui ciblent les principaux bénéficiaires de la mondialisation et de ses externalités négatives.
L’instabilité financière internationale, les pandémies, la criminalité financière, l’insuffisante diffusion du savoir, la dégradation de l’environnement, notamment, sont le résultat du sous-investissement des acteurs publics dans le financement de biens publics mondiaux qui prémuniraient la planète de l’instabilité et des inégalités économiques, sociales ou écologiques.
Pour remplir ces rôles principaux : réduction de nuisances diverses, redistribution des revenus, objectifs du millénaire et recueil de ressources monétaires mondiales, notamment pour le financement des BPM, une fiscalité internationale efficace et équitable pourrait être constituée de plusieurs types de contributions financières. Il faut noter que c’est davantage une diversité fiscale internationale qu’il convient de mettre en place plutôt qu’une taxe unique, quelque pertinente qu’elle puisse être.
Les transactions de bourse s’élèvent, dans le monde à plus de 1 000 milliards de dollars par jour. Elles devraient aussi faire l’objet d’une taxation ; les quelques impôts de bourse qui existent ici ou là sont totalement insuffisants. Il faut, là encore, ne pas céder au mythe de la bourse source de financement des entreprises. Si elle l’est, c’est sans commune mesure avec sa prétention affichée. La CNUCED indique que plus de 80 % des investissements étrangers (IDE) réalisés dans le monde en 2008 avaient trait à des opérations de fusions-acquisitions dont la dimension d’investissement reste modeste. En France, en 2007, les sociétés relevant du CAC 40 se sont financées en bourse à hauteur de 37,5 milliards € ; sur la même période, elles ont distribué 39 milliards de dividendes !
L’article 1er de la présente proposition de loi vise à instituer un dispositif de taxation des transactions en devises de type taxe Tobin. Si cela existe déjà dans le droit français, pourtant l’entrée en vigueur est conditionnée à l’adoption d’un dispositif similaire par l’ensemble des autres États membres de l’Union européenne. Il s’agit en fait de supprimer cette condition pour permettre une entrée en vigueur immédiate de la taxe et de la fixer à 0,1 % du montant des transactions sur devises effectuées et tenant compte que ladite taxe entrainera vraisemblablement une réduction des transactions, ce qui, précisément, est le but principal recherché.
L’article 2 vise à rétablir l’impôt de bourse, supprimé par amendement parlementaire au projet de loi de finances pour 2008. La rédaction de cet article se borne à réécrire l’ensemble des dispositions supprimées.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
L’article 235 ter ZD du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Au III, les mots « par décret en Conseil d’État, dans la limite maximum de » sont remplacés par le mot « à ».
2° Le IV est supprimé.
Article 2
I. – Les articles 978 et 980 à 985 du code général des impôts sont rétablis dans la rédaction suivante :
« Art. 978. – Toute opération ayant pour objet l’achat ou la vente, au comptant ou à terme, de valeurs de toute nature donne lieu à la rédaction d’un bordereau soumis à un droit de timbre calculé d’après le taux de la négociation.
« Le tarif de ce droit est fixé à 0,3 % pour la fraction de chaque opération inférieure ou égale à 153 000 euros et à 0,15 % pour la fraction qui excède cette somme, ainsi que pour les opérations de report.
Un abattement de 23 euros est pratiqué sur les droits dus à l’occasion de chaque opération.
« Les droits dus à chaque opération ne peuvent dépasser 610 euros.
« Art. 980. – Les opérations d’achat et de vente prévues à l’article 2 de la loi n° 64-697 du 10 juillet 1964 relative au regroupement des actions non cotées, ne peuvent donner lieu à la perception de l’impôt sur les opérations de bourse de valeurs. Toutefois, cette exonération est limitée à une opération d’achat ou de vente par actionnaire autre que celui ou ceux assurant la contrepartie et elle est subordonnée à la condition que le nombre d’actions négociées soit inférieur au nombre nécessaire à l’attribution d’une action regroupée.
« Art. 980 bis. – Le droit de timbre sur les opérations de bourse n’est pas applicable :
« 1° Aux opérations de contrepartie réalisées par des prestataires de service d’investissement.
« 2° Aux opérations d’achat et de vente portant sur des obligations.
« L’exonération ne s’applique pas aux obligations échangeables ou convertibles en actions, aux valeurs assorties de clauses d’indexation sur les résultats de la société émettrice ou de clauses de participation aux bénéfices de la société émettrice.
« 3° Aux opérations en report par les personnes qui font de tels placements.
« 4° Aux opérations d’achats et de ventes portant sur des valeurs mobilières d’entreprises dont la capitalisation boursière n’excède pas 150 millions d’euros. La capitalisation boursière est évaluée selon la moyenne des cours d’ouverture des soixante derniers jours de bourse de l’année précédant celle au cours de laquelle les opérations sont réalisées. Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application de cette évaluation, notamment en cas de première cotation ou d’opération de restructuration d’entreprises.
« 5° Aux achats ou ventes portant sur les titres participatifs visés à l’article 21 de la loi n° 83-1 du 3 janvier 1983 sur le développement des investissements et la protection de l’épargne.
« 6° Aux opérations d’achat et de vente portant sur les parts émises par les fonds communs de créances.
« 6°bis Aux offres publiques de vente et aux opérations liées aux augmentations de capital et à l’introduction d’une valeur sur un marché réglementé.
« 7° aux opérations d’achat et de vente de valeurs de toute nature effectuées par une personne physique ou morale qui est domiciliée ou établie hors de France.
« 8° Aux opérations de pension de valeurs titres ou effets réalisés dans les conditions prévues par les articles L. 432-12 à L. 432-19 du code monétaire et financier.
« Art. 981. – Les bordereaux, rédigés conformément à l’article 978 pour constater les opérations de bourse, doivent faire ressortir distinctement le montant de l’impôt payé au Trésor et le montant des courtages ou commissions revenant au rédacteur du bordereau.
« Toutefois, le rédacteur du bordereau peut se borner à indiquer le montant global des courtages ou commissions et de l’impôt à la condition de préciser de façon apparente le taux de ce dernier. »
II. Le I s’applique aux opérations d’achat et de cession réalisées à compter du 1er janvier 2011.

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André
Chassaigne

Président de groupe
Député du Puy-de-Dôme (5ème circonscription)

Jean-Paul
Lecoq

Député de Seine-Maritime (8ème circonscription)

Alain
Bocquet

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