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Propositions de loi

PL n° 423 - Abolition des coupures d’eau, d’électricité et de gaz et à mettre en place un dispositif de solidarité énergie-eau

EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
Le 20 juillet 2007, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la requête du préfet du Rhône demandant l’annulation de l’arrêté du député maire de Vénissieux, qui interdisait les coupures d’électricité, de gaz et d’eau infligées aux familles en difficulté dans sa commune.
Le juge, dans ses attendus, a soutenu l’argument d’André Gerin selon lequel « des coupures réalisées dans de telles conditions sont [...] de nature à provoquer des risques pour le bon ordre, la sécurité et la salubrité publiques ».
Déjà, le 16 mai 2007, le tribunal administratif de Melun validait un arrêté municipal équivalent de la commune de Champigny-sur-Marne.
La décision du tribunal administratif de Lyon du 20 juillet est une étape dans la construction de cette jurisprudence.
Les maires ont aujourd’hui connaissance des listes des familles frappées par l’exclusion énergétique. Ils prennent la mesure de l’étendue du drame social et humain que cette situation représente. Et il n’est rien qui soit de nature à les rassurer lorsque nous considérons que 7 millions de nos concitoyens vivent dans la précarité et avec moins de 850 euros par mois. À l’occasion de la journée mondiale du refus de la misère, le 17 octobre dernier, monsieur Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, déclarait dans un quotidien national : « Elle n’est pas endiguée et s’aggrave pour bon nombre de personnes. » Il relevait l’augmentation de la pauvreté des jeunes et des actifs : « Non seulement des personnes âgées y sont de nouveau confrontées, mais on n’a pas su enrayer le phénomène des travailleurs pauvres […] Elle n’est plus aux marges de la société mais en son cœur […] puisque les personnes qui en souffrent cumulent souvent les difficultés de logement, d’emploi, de surendettement, de santé, etc. »
À cette liste s’ajoute l’accès à l’énergie et à l’eau. Pour un nombre croissant de familles, il faut faire face à la flambée des prix du gaz (+ 40 % en 18 mois), aux disparités des tarifs de l’eau, qui varient selon une amplitude de 1 à 7 en fonction de l’endroit du territoire où réside l’usager. De la même manière, les plus vives inquiétudes existent sur l’évolution des tarifs de l’électricité avec la privatisation d’EDF.
Il est donc grand temps de prendre des dispositions législatives qui garantissent l’accès à l’énergie et à l’eau à tous les citoyens.
Le préambule de la Constitution de 1946 reconnaît à toute personne le droit « aux conditions nécessaires à son développement », à « sa sécurité matérielle », ainsi qu’à « des moyens convenables d’existence ».
L’électricité, le gaz et l’eau constituent des produits de première nécessité indispensables à la garantie des droits fondamentaux des personnes.
C’est d’ailleurs pourquoi la production et l’acheminement énergétiques avaient été nationalisés à la Libération avec la création d’EDF et de GDF, afin que ce qui était considéré comme vital échappe à la marchandisation, que des tarifs accessibles à tous et équivalents sur tout le territoire soient offerts aux usagers.
Il revenait alors aux communes de fournir l’eau aux familles dans les mêmes conditions, ce qui s’est trouvé mis en cause avec l’intervention de géants industriels assurant de plus en plus souvent l’affermage avec une hausse des tarifs et de fortes inégalités territoriales.
Des dispositions législatives et réglementaires ont été prises au cours des dernières années, mais elles se révèlent très insuffisantes et ne garantissent pas le respect des principes constitutionnels rappelés ci-dessus. Elles relèvent souvent de louables déclarations d’intention.
Ainsi l’article 1er de la loi n° 2000-108 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité stipule que « le service public de l’électricité concourt à la cohésion sociale, en assurant le droit à l’électricité pour tous ».
L’article 1er de la loi n° 2004-803 au 5 août 2004 relative aux statuts des entreprises EDF et GDF réaffirme la contribution de ces derniers à la cohésion sociale.
L’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles prévoit un service restreint d’énergie et d’eau pour les usagers en difficulté dans l’attente d’une aide en cours d’instruction ou encore l’interdiction de l’interruption des fournitures entre le 1er novembre et le 15 mars.
Les faits montrent que ces mesures sont inopérantes. Ainsi nous enregistrons 215 000 coupures d’énergie auxquelles il convient d’ajouter les foyers qui ne disposent que d’un service restreint et qui ne sont pas comptabilisés dans les statistiques.
En outre, la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a abrogé l’article L. 261-4 du code de l’action sociale et des familles qui prévoyait un dispositif national d’aide et de prévention des familles ne pouvant faire face à leurs dépenses d’eau, d’électricité et de gaz. La loi a également révisé le dispositif de l’article L. 115-3 précité du même code, renvoyant désormais aux fonds de solidarité pour le logement, dont le financement est assuré par les conseils généraux avec les concours financiers des opérateurs de distribution d’énergie et d’eau, le soin d’apporter une aide aux familles en difficulté.
Le retrait de l’État du dispositif de solidarité est ainsi consacré et il n’existe aucune assurance sur la capacité des fonds départementaux à couvrir la totalité de la demande sociale, avec, de surcroît, l’instauration d’inégalités territoriales consécutives aux moyens différents dont dispose chaque conseil général.
En outre, le dispositif existant laisse entièrement ouverte la possibilité d’interrompre la fourniture en énergie et en eau en cas de rejet de la demande d’aide ou d’épuisement des crédits départementaux ad hoc.
La présente proposition de loi est destinée à mettre un terme à cette situation et à permettre l’accès à l’énergie et à l’eau pour tous les foyers.
Elle repose sur les principes suivants :
– abolition de toute coupure en énergie et en eau et engagement de la responsabilité pénale des fournisseurs ;
– création d’une commission départementale de solidarité énergie-eau qui aura à examiner la situation des usagers en difficulté et à définir les modalités de la mise en œuvre des aides destinées au maintien de fournitures ;
– instauration d’un fonds de solidarité énergie-eau abondé par l’État, les départements et les fournisseurs correspondant, pour ces derniers, en un pourcentage de leur chiffre d’affaires ;
– création d’une tarification « produit de première nécessité » pour les usagers aux faibles revenus.
Sous le bénéfice de ces dispositions, il vous est demandé de bien vouloir adopter la proposition de loi suivante.
PROPOSITION DE LOI
Article 1er
Toute coupure de fourniture en énergie et en eau est abolie.
Le fournisseur ou le distributeur est tenu de saisir, à compter de deux échéances impayées, la commission départementale de solidarité énergie-eau qui étudiera chaque dossier et statuera sur l’aide à apporter.
Le fournisseur ou le distributeur qui procède de sa propre initiative à un arrêt des fournitures engage sa responsabilité pénale.
Article 2
Il est instauré, dans chaque département, une commission de solidarité eau-énergie. Elle comprend le représentant de l’État dans le département, des élus municipaux et départementaux, les opérateurs de distribution d’eau, d’électricité et de gaz, les centres communaux et intercommunaux d’action sociale, les associations d’usagers, les associations, organismes et institutions intervenant dans le domaine de l’exclusion.
Elle examine chaque dossier et statue sur les modalités de mise en œuvre des aides permettant le maintien de la fourniture en énergie et en eau.
Si le débiteur est en incapacité de payer, l’aide prévue à l’article L. 115-3 du code de l’action sociale et des familles dans sa nouvelle rédaction définie à l’article premier de la présente loi est de droit. Si le débiteur est en capacité de payer, la commission propose un plan d’apurement des dettes et peut, le cas échéant, saisir le juge de l’exécution.
Article 3
Il est créé un fonds de solidarité énergie-eau abondé par l’État, les départements et les fournisseurs d’énergie et d’eau selon, pour ces derniers, un pourcentage de leur chiffre d’affaires.
Les modalités d’application du présent article feront l’objet d’un décret.
Article 4
Il est créé une tarification spéciale « produit de première nécessité » pour les usagers domestiques dont le revenu n’excède pas, par foyer fiscal, les montants indiqués à l’article 5 du code général des impôts.
Un décret précisera les conditions d’application du présent article.
Article 5
Les charges qui pourraient résulter de l’application de la présente loi pour les collectivités territoriales sont compensées, à due concurrence, par le relèvement de la dotation globale de fonctionnement.
Les charges et les pertes de recettes éventuelles qui résulteraient pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées à une concurrence par la création de taxes additionnelles aux contributions visées à l’article L. 136-7-1 du code de la sécurité sociale.

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André
Gerin

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