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Inscrire le principe d’écoute de l’expression des travailleuses et des travailleurs parmi les principes généraux du code du travail - 2192

Proposition de loi visant à inscrire le principe d’écoute de l’expression des travailleuses et des travailleurs parmi les principes généraux du code du travail.

(Renvoyée à la commission des affaires sociales, à défaut de constitution d’une commission spéciale dans les délais prévus par les articles 30 et 31 du Règlement.)

présentée par

M. Pierre DHARRÉVILLE, M. Édouard BÉNARD, Mme Soumya BOUROUAHA, M. Steve CHAILLOUX, M. André CHASSAIGNE, Mme Elsa FAUCILLON, M. Sébastien JUMEL, Mme Emeline K/BIDI, M. Tematai LE GAYIC, Mme Karine LEBON, M. Jean-Paul LECOQ, M. Frédéric MAILLOT, M. Yannick MONNET, M. Marcellin NADEAU, M. Stéphane PEU, Mme Mereana REID ARBELOT, M. Fabien ROUSSEL, M. Nicolas SANSU, M. Jean-Marc TELLIER.

députés et députées.

EXPOSÉ DES MOTIFS

Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi vise à ajouter le principe d’écoute de l’expression des salariés aux principes généraux de prévention inscrits dans le code du travail.

Au nom de la dignité de chaque personne humaine au travail, le principe de subordination à l’employeur au sein de l’entreprise ne peut être absolu et sans limites. C’est pourquoi le principe élémentaire d’écoute doit être affirmé dans la loi. Ce principe « d’écoute » doit s’entendre comme le corollaire indispensable du droit à l’expression inscrit dans le code du travail. En confortant le droit à l’expression d’un droit à l’écoute de cette expression, la prévention des risques et des maladies professionnelles, et plus largement la santé au travail, s’en trouveront largement renforcés et plus efficients.

Un récent rapport du Conseil économique social et environnemental préconise également de donner droit à l’écoute de l’expression des salariés à partir de constats tirés de l’expérience elle‑même : « L’idée que celles et ceux qui travaillent sont les mieux à même de connaître les risques auxquels ils s’exposent est un constat souvent fait par les préventeurs. De même, le pouvoir d’agir des travailleurs et des travailleuses renforce la qualité du travail. Le travail bien fait se révèle comme une source de santé, de liberté et d’efficacité » ([1]).

La santé des travailleurs demeure en effet une question cardinale. Les travailleuses et les travailleurs entendent donner du sens à leur activité professionnelle et entendent qu’elle ne mette pas en cause leur santé et celle des autres. Ils et elles ne veulent pas perdre leur vie à la gagner. Ils et elles veulent désormais travailler mieux pour vivre mieux dans un environnement mieux préservé.

La présente proposition de loi se fonde sur une vision dynamique de la notion de santé au travail où l’individu contribue à construire sa santé par chacun de ses actes y compris celui du travail.

Les salariés doivent être considérés comme des auteurs de leur poste de travail, de l’organisation du collectif de travail, des grandes orientations de l’entreprise. Les effets seront multiples, sur la prévention, la sécurité, le bien‑être, la production, le respect de l’humain, le respect de l’environnement. En effet, la transition écologique n’aboutira pas sans les travailleurs, et encore moins contre eux.

Celles et ceux qui travaillent sont les premiers experts du travail, ils sont aux avant‑postes pour imaginer la transformation et l’amélioration des processus de production, pour penser le travail et son avenir dans un environnement en mutation.

Cette proposition de loi vise à rendre les salariés et leurs représentants des partenaires et acteurs obligés de la prévention et de la réduction des risques.

Elle a pour objectif de permettre d’élaborer une stratégie de prévention et de promotion de la santé au travail et environnementale en réfléchissant à partir de l’individu, de l’impact de son activité sur sa santé, son environnement de travail et son cadre de vie.

Elle vise à renforcer les droits des salariés en ajoutant l’obligation d’écoute de l’expression des salariés parmi les principes de prévention et en rendant obligatoire l’étude d’un projet alternatif de développement de l’activité de l’entreprise porté par les salariés.

Inscrire l’obligation d’écoute des salariés dans les principes généraux de prévention

Le code du travail, dans son article L. 4121‑1, oblige l’employeur de prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161‑1 ;

2° Des actions d’information et de formation ;

3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes ».

Dans son article L. 4121‑2, il oblige l’employeur, à mettre en place « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Éviter les risques ;

2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux‑ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152‑1 et L. 1153‑1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142‑2‑1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. »

Dans aucun de ces articles n’est mentionnée la consultation des salariés et la prise en compte de leurs avis et préconisations dans le processus de prévention. La prévention et l’élimination des risques doivent s’inscrire dans une démarche collective qui implique l’employeur et les organisations représentatives des salariés voire directement les salariés dans les entreprises qui en sont dépourvues. On demeure dans une conception descendante et à sens unique, où celles et ceux qui travaillent sont considérés essentiellement comme des exécutants, auxquels le cadre de travail est donné sans qu’ils et elles en soient acteurs.

L’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) relève, implicitement, ce préalable d’écoute indispensable de l’expression des salariés lorsqu’il définit chacun des neuf principes :

1. « Éviter les risques, c’est supprimer le danger ou l’exposition au danger.

2. « Évaluer les risques, c’est apprécier l’exposition au danger et l’importance du risque afin de prioriser les actions de prévention à mener.

3. « Combattre les risques à la source, c’est intégrer la prévention le plus en amont possible, notamment dès la conception des lieux de travail, des équipements ou des modes opératoires.

4. « Adapter le travail à l’Homme en tenant compte des différences interindividuelles, dans le but de réduire les effets du travail sur la santé.

5. « Tenir compte de l’évolution de la technique, c’est adapter la prévention aux évolutions techniques et organisationnelles.

6. « Remplacer ce qui est dangereux par ce qui l’est moins, c’est éviter l’utilisation de procédés ou de produits dangereux lorsqu’un même résultat peut être obtenu avec une méthode présentant des dangers moindres.

7. « Planifier la prévention en intégrant technique, organisation et conditions de travail, relations sociales et environnement.

8. « Donner la priorité aux mesures de protection collective et n’utiliser les équipements de protection individuelle qu’en complément des protections collectives si elles se révèlent insuffisantes.

9. « Donner les instructions appropriées aux salariés, c’est former et informer les salariés afin qu’ils connaissent les risques et les mesures de prévention »

En effet, il paraît peu probable de pouvoir se conformer à ces neuf principes sans consulter, au préalable, les premiers concernés qui sont les mieux placés pour parler des risques auxquels ils sont exposés et proposer des solutions pour les éliminer.

Instaurer l’obligation d’étudier les projets de développement de l’entreprise portés par les salariés

Intégrer le principe d’écoute de l’expression des salariés est aussi important pour l’avenir des entreprises en général et de l’activité industrielle en particulier avec l’impérieuse nécessité de mettre en place des modes de production plus respectueux de l’humain et de la planète.

Le droit d’expression des salariés est actuellement consacré par le code du travail (articles L. 2281‑1 à L. 2281‑11). Les salariés peuvent effectivement bénéficier d’un droit à l’expression sur les sujets portants sur « le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail ».

Avec le droit d’expression, c’est la place des salariés à travers leurs représentants qui doit être consacrée.

La proposition de loi vise à aller plus loin. Ainsi, des exemples existent de salariés qui ont rédigé des propositions de modification des modes de production industrielle qui allie santé des travailleurs et préservation de l’environnement. Souvent ces projets restent lettres mortes faute d’inscrire l’obligation, pour l’employeur, de les étudier. Des exemples existent où les salariés rédigent des propositions pour garantir l’avenir de leur activité en limitant l’impact sanitaire et environnemental, avec des modes de production qui favorisent la transition écologique de productions industrielles.

L’article 1er de la présente proposition de loi propose d’ajouter un dixième principe général de prévention aux neuf existant. Le principe d’écoute de l’expression des salariés ouvrira la liste des dix principes généraux de prévention.

L’article 2 propose d’inscrire l’obligation, pour l’employeur, d’examiner les projets portés par les représentants des salariés pour des modes de production plus respectueux de la santé et de l’environnement.

PROPOSITION DE LOI

Article 1er

Après le premier alinéa de l’article L. 4121‑2 du code du travail, il est inséré un 1° A ainsi rédigé :

« 1° A Écouter l’expression des salariés et de leurs organisations représentatives, prendre acte de leurs avis et propositions et en tirer les conséquences ; ».

Article 2

Le second alinéa de l’article L. 2281‑1 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « L’employeur a obligation d’examiner, lorsqu’ils existent, les projets portés par les salariés et leurs représentants pour des modes de production respectueux de la santé et de l’environnement, et de rendre un avis motivé. »

([1]) « Travail et santé environnement : quels défis à relever face aux dérèglements climatiques ? », Avis du Conseil économique, social et environnemental sur proposition de la commission Travail et Emploi, 25 avril 2023, p.34

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Pierre
Dharreville

Député des Bouches-du-Rhône (13ème circonscription)
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