Propositions

Propositions de résolution

PR n°2942 - placer les droits et libertés au coeur de la République

présentée par Mesdames et Messieurs
Marie-George BUFFET, Jean-Pierre BRARD, Marie-Hélène AMIABLE, François ASENSI, Martine BILLARD, Patrick BRAOUEZEC, Jean-Jacques CANDELIER, André CHASSAIGNE, Marc DOLEZ, Pierre GOSNAT, Maxime GREMETZ, Jean-Paul LECOQ, Roland MUZEAU, Daniel PAUL, Jean-Claude SANDRIER et Michel VAXÈS,
député-e-s.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
La République a été proclamée en France il y a 218 ans, le 21 septembre 1792. Son histoire, depuis, est riche d’évolutions et de controverses, autant que celle des constitutions qui l’ont successivement régie.
La constitution du 4 octobre 1958 a été élaborée contre le Parlement. Déséquilibrant les institutions au profit de l’exécutif, cette constitution « orthopédique », pour reprendre l’expression de M. Prélot, corsète, voire bâillonne le Parlement. L’élection du Président de la République au suffrage universel en 1962 et la mise en place du quinquennat en 2000 ont présidentialisé le régime.
La réforme constitutionnelle de juillet 2008 a aggravé cette situation. Les droits du Parlement comme, en son sein, ceux de l’opposition ont été réduits sous couvert d’une prétendue « modernisation ». Le Président de la République, à l’encontre de notre tradition républicaine, peut désormais s’exprimer devant le Parlement auquel il dicte par ailleurs ordre du jour et modalités de discussion. L’expression du Peuple souverain n’est donc plus assurée dans de bonnes conditions.
Dès lors, plusieurs constats s’imposent. Le premier, c’est que malgré une certaine permanence, le régime républicain peut toujours être remis en cause. 1940 n’est pas si loin, quand les pleins pouvoirs ont été livrés au maréchal Pétain. Le second est que défendre la République ne signifie pas, loin s’en faut, défendre la Constitution du 4 octobre 1958. La République trouve davantage ses racines dans celle du 24 juin 1793. Le troisième est qu’aujourd’hui, si le retour de la monarchie ne menace plus notre pays, le sens même de la République, dans ses valeurs, est interrogé. L’abstention massive à chaque scrutin montre à quel point nombre de nos concitoyens, notamment dans les quartiers populaires, ont conscience d’être dépossédés de leur pouvoir.
Il faut dire que plusieurs principes républicains fondamentaux sont aujourd’hui fortement rudoyés. Celui de la souveraineté populaire, lorsque les choix électoraux sont bafoués à l’instar du Non lors du référendum de 2005 sur le Traité constitutionnel européen. Celui de la séparation des pouvoirs, cher à Montesquieu, quand la réforme de la justice ouvre la voie à la soumission du pouvoir judiciaire au pouvoir exécutif. Celui de la citoyenneté, lorsque l’exercice des droits politiques, dont les femmes n’ont que tardivement pu obtenir la jouissance après d’âpres luttes, exclut les résidents étrangers alors qu’ils contribuent à la vitalité de notre pays. Enfin, celui de l’égalité, cette égalité républicaine, qui constitue l’essence de notre Nation aux yeux du monde entier, lorsque des citoyennes et des citoyens sont discriminés en raison de leur origine.
Liberté, Égalité, Fraternité ?
Notre République ne saurait se relever d’une remise en cause de sa devise portée par des siècles de construction populaire, comme elle ne saurait survivre à une mise en lambeaux de ses couleurs laïques et démocratiques.
En 1789, nos ancêtres se levèrent pour construire une Nation française rompant avec l’« agrégat de peuples désunis » dénoncé par Mirabeau. En 1905, la séparation de l’Église et de l’État fit se lever les « hussards noirs » pour défendre l’école républicaine. Entre 1940 et 1945, des hommes et des femmes se levèrent pour défendre la République et l’honneur de la France.
Ne faut-il pas aujourd’hui se lever pour défendre l’idée même de « Nation républicaine » chère à celles et ceux qui font la France aujourd’hui ?
Chère à ces femmes et à ces hommes, à ces élu-e-s locaux ou nationaux, à ces salarié-e-s et à ces retraité-e-s, intellectuel-le-s, employé-e-s, ouvrier-e-s, jeunes et moins jeunes. Chère à toutes celles et à tous ceux qui constituent la sève de la République française au XXIe siècle. Des hommes et des femmes qui, la liberté chevillée au corps, se font les gardiennes et les gardiens de l’héritage démocratique et populaire d’une société où la loi et le droit triomphent du communautarisme et du populisme.
La République ne peut admettre aucune dérogation à ses propres règles.
Ni pour établir le droit à la nationalité, ni pour celui de vivre, de résider ou d’aimer. Comment notre République pourrait-elle ne pas souffrir dans sa soif de fraternité, quand des populations entières sont stigmatisées du fait de leur religion, de leur origine ou de leur orientation sexuelle ? Quand des femmes sont discriminées et violentées en raison de leur sexe ? Quant à la laïcité, dont la loi de 1905 établissait le principe républicain, elle ne saurait non plus souffrir d’une perversion de son contenu conduisant à détruire un vivre ensemble auquel elle devrait pourtant conduire.
Une République démocratique et sociale
Face à ce constat, il est nécessaire et urgent de rendre à la République ses attributs. Il faut réécrire le préambule de notre Constitution afin de donner au Peuple la possibilité d’édicter une nouvelle déclaration des droits. Ainsi, il pourra clarifier tous ces droits dont la portée a souvent été définie par la jurisprudence, parfois contre ses intérêts, et placer à leur côté de nouveaux droits sociaux dont la portée normative doit être incontestable. Il pourra consacrer la reconnaissance explicite des services publics, dont le rôle déterminant et les spécificités statutaires doivent être inscrits dans la Constitution.
De même, il est nécessaire de modifier nos institutions politiques afin de garantir la souveraineté du Peuple. Cela nécessite de renforcer la participation directe des citoyens et des citoyennes dans la prise de décision locale et nationale à côté de comités territoriaux élus. Cela nécessite également de garantir la proportionnalité du scrutin dans chaque élection et une égale représentation des hommes et des femmes dans le cadre d’un véritable statut de l’élu-e. Cela nécessite enfin d’en finir avec tout ce qui bride le Parlement sous le vocable détestable de « parlementarisme rationalisé ».
Il est nécessaire d’étendre la démocratie à tous les domaines de la société grâce à la maîtrise par la Nation des grands leviers économiques, pour permettre aux salarié-e-s, avec les élu-e-s du Peuple, de participer à la prise de décision économique. Cela passe de manière simultanée par une extension du champ de services publics, gérés par les élu-e-s du Peuple et les usagers. La propriété privée des moyens de production ne doit plus pouvoir servir de justification à qui que ce soit pour opprimer ses concitoyen-ne-s.
Il est nécessaire, enfin, de garantir de manière effective la liberté de la presse et d’information, les libertés individuelles et collectives, le droit à la sécurité, y compris sociale, et à une justice indépendante. Parmi les libertés fondamentales, il est nécessaire de réaffirmer celle du suffrage, qui doit être plus universel et donc être ouvert aux résident-e-s étrangers à toutes les élections, locales et nationales, en fonction de leur durée de résidence sur le territoire de la République.
Liberté, Égalité, Fraternité doivent trouver une application effective. L’objet de cette résolution est de voir l’Assemblée se prononcer pour une réappropriation de son pouvoir par le Peuple dans le cadre d’une République véritablement démocratique et sociale
PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement,
Réaffirme très solennellement qu’il ne peut, dans notre République, y avoir d’autre souverain que le Peuple.
Affirme son attachement à l’héritage et aux valeurs de la Révolution française et du Conseil national de la Résistance.
Constate l’impérieuse nécessité que toutes les institutions de la République respectent les principes de liberté, d’égalité et de fraternité, afin que la République soit réellement laïque, démocratique et sociale.
Estime indispensable que soit édictée une nouvelle déclaration des droits garantissant de manière plus effective les droits et libertés fondamentaux, notamment les droits sociaux et le droit de suffrage, qui doit être ouvert aux résidents étrangers.
Estime indispensable que le rôle déterminant des services publics dans le développement humain soit reconnu par la constitution, et qu’ils bénéficient de garanties expresses quant à leurs spécificités statutaires.
Condamne les atteintes répétées et aggravées aux libertés publiques et à la vie privée par des lois et règlements de plus en plus dérogatoires.
Estime indispensable l’abolition de ces lois et règlements, la garantie de la protection de la vie privée, le respect des libertés publiques, la garantie de la liberté de la presse à l’égard du pouvoir politique et des monopoles financiers.
Déplore le primat de l’exécutif au sein de nos institutions, l’affirmation de la présidentialisation des institutions à l’œuvre depuis 1962, aggravée en 2000 et 2008, et le développement continu de restrictions apportées aux droits des Parlementaires, et notamment aux droits des oppositions.
Estime indispensable que le Parlement soit élu au scrutin proportionnel afin d’être plus représentatif du Peuple, qu’il s’agisse des femmes ou des classes populaires, que la participation directe des citoyen-ne-s soit renforcée et que le rôle du Parlement soit réellement renforcé en donnant de réels droits à l’opposition et aux Parlementaires, dont les pouvoirs en matière financière doivent être accrus.
Estime indispensable que la démocratie soit étendue à tous les domaines de la société grâce à la maîtrise par la Nation des grands leviers économiques, nécessairement associée à une démocratisation de la gestion des entreprises et des services publics.
Affirme très solennellement qu’aucune personne ne doit avoir le droit d’opprimer ou de nuire à autrui au simple motif de sa propriété.
S’engage à prendre toutes les mesures qui seront nécessaires pour permettre au Peuple de reprendre le pouvoir dans la République, incluant la mise en œuvre d’un nouveau processus constituant.

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