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Questions au gouvernement

Arrestation des syndicalistes d’Air France

Madame la garde des sceaux, six salariés d’Air France ont été interpellés à leur domicile et cinq d’entre eux sont encore en garde à vue. Leur arrestation, survenue pour certains au petit matin, est comparable à celle réservée aux plus grands criminels.
Je ne peux m’empêcher de citer Jaurès (« Ah ! » sur les bancs du groupe Les Républicains) qui disait ici même, en 1906, que ce que les classes dirigeantes entendent par le maintien de l’ordre, c’est seulement « la répression de tous les écarts, de tous les excès de la force ouvrière » ? C’est aussi « sous prétexte d’en réprimer les écarts, de réprimer la force ouvrière elle-même et de laisser le champ libre à la seule violence patronale ».
Depuis que les images des chemises déchirées passent en boucle sur toutes les télés, le Gouvernement et les médias pointent la violence de ces salariés…
M. Claude Goasguen. Ont-ils tort ?
M. André Chassaigne. …mais ils passent sous silence la violence que les salariés subissent. L’insoutenable violence n’est-elle pas dans les plus de 10 000 emplois déjà supprimés à Air France depuis 2012 et dans les 2 900 suppressions à venir ? N’est-elle pas dans les manœuvres de la direction pour diviser le personnel ?
M. Pascal Cherki. Très bien !
M. André Chassaigne. La violence n’est-elle pas dans les vies en lambeaux des salariés qui perdent leurs emplois, dans les foyers déchirés, dans les suicides ? Air France a semé la terreur, la tempête ; le traitement réservé à ces salariés ne fera qu’ajouter à la colère.
Indignés, nous faisons nôtre le conseil de Jaurès : « Lorsque, malgré tout, la violence éclate, ne tournons pas contre les travailleurs, mais contre les maîtres, notre indignation. »
Les conditions d’interpellation et le placement en garde à vue de ces syndicalistes, qui se battent dans l’intérêt général, relèvent des affaires de grand banditisme ou de terrorisme. Pourquoi, madame la ministre, recourir à de telles méthodes, totalement disproportionnées ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Christian Jacob. Pourquoi n’entend-on pas plutôt le ministre de l’intérieur ?
Mme la présidente. Un peu de calme, mes chers collègues. Seule la ministre a la parole.
M. Philippe Briand. C’est scandaleux !
Mme Ségolène Royal, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur le député, je n’entrerai pas dans les détails de la procédure. Je voudrais simplement rappeler qu’Air France est une grande entreprise, qui porte fièrement le pavillon français (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) et que rien ne justifie que l’on en vienne aux mains dans un dialogue social. Sans doute y a-t-il eu des erreurs de part et d’autre. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
M. Hervé Mariton. C’est ahurissant !
Mme Ségolène Royal, ministre. Ce qui est très important aujourd’hui, c’est que le dialogue social soit renoué, et le Gouvernement y est particulièrement attentif.
M. Marc Dolez. Et les gardes à vue ?
Mme Ségolène Royal, ministre. Le transport aérien connaît de grandes mutations et Air France, comme toutes les grandes entreprises, a besoin d’aborder ces changements avec toutes les forces qui sont les siennes. Toutes les catégories de salariés doivent donc apporter leur talent à cette entreprise, quelle que soit la place qu’ils y occupent. C’est la raison pour laquelle nous encourageons la direction de l’entreprise, les organisations syndicales et les représentants des salariés à reprendre le dialogue, dans l’intérêt même de l’entreprise, de cette grande entreprise française. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.) Et tout sera fait pour cela.
M. Christian Jacob. Cette réponse est minable !
Mme Ségolène Royal, ministre. Si toutefois le dialogue n’était pas possible, il serait parfaitement plausible, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, de recourir à un médiateur… (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains)
M. Christian Jacob. Ce n’est pas possible !
M. Hervé Mariton. Tout cela n’est pas très courageux, madame la ministre !
Mme Ségolène Royal, ministre. …qui obtiendrait l’assentiment de toutes les parties prenantes, afin de renouer le dialogue, car seul un dialogue social constructif et de qualité, qui rassemble tous les salariés au service de l’entreprise, est de nature à remettre cette entreprise sur la voie du renouveau et de la réussite. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

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