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Questions au gouvernement

Recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution

Monsieur le Premier ministre, vous avez décidé, sans surprise, de recourir à nouveau à l’article 49-3 et, de surcroît, d’échapper cette fois à toute discussion. De fait, cet article 49-3 est associé à l’article 44-3 pour faire adopter sans débat et sans vote des dispositions nouvelles. Nous l’avons dit, nous considérons que c’est un mépris de la représentation nationale et de nos concitoyens : le recours à cette méthode confisque le débat public.
Vous ne voulez pas débattre publiquement, par exemple, de la remise en cause, de fait, du CDI par le biais du plafonnement des indemnités en cas de licenciement abusif. Vous ne voulez pas débattre dans cet hémicycle d’un texte qui formalise une atteinte sans précédent au monde du travail. Vous ne voulez pas débattre ici des sujets qui fâchent.
En réalité, vous n’avez pas de majorité à gauche sur ce texte. Quant à la droite, elle se livre à une véritable mascarade en affichant une opposition de façade à un texte qu’elle soutient et qu’elle souhaite voir adopter avec la même impatience que M. Gattaz. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.)
L’urgence économique n’est qu’un prétexte idéologique. Votre texte ne contribuera pas à sortir notre économie des difficultés, à créer des emplois, à favoriser l’investissement ni à réduire les inégalités. La vérité, c’est que vous cédez aux injonctions de Bruxelles, de ceux-là mêmes qui tentent de faire plier le peuple grec. Vous cédez à la même dérive autoritaire.
Dix ans après le référendum de 2005 et la victoire du « non » au projet de traité constitutionnel européen, le mépris de la démocratie reste la règle. Dix ans après le rejet par le peuple français de l’Europe libérale, vous continuez de vouloir imposer à nos concitoyens son contre-modèle social.
Monsieur le Premier ministre, nous prenons l’ensemble des Français – je dis bien l’ensemble des Français – à témoin de la gravité de ce qui se joue aujourd’hui pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)
Mme Claude Greff. Tout à fait ! Je suis d’accord !
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Manuel Valls, Premier ministre. Monsieur le député, je crois que nous sommes tous très conscients de la gravité de la situation et, en tout cas, des défis auxquels notre pays est confronté. C’est la raison pour laquelle nous réformons et avons engagé ce projet de loi, qui vise à soutenir la croissance et l’activité.
Nous pouvons avoir des désaccords ; vous les exprimez plus calmement qu’hier, en exposant des arguments de fond – c’est l’honneur du débat démocratique.
Ce texte de loi, présenté par Emmanuel Macron, a fait l’objet de longs débats, ici même, à l’Assemblée nationale, en première lecture…
Mme Claude Greff. Ils étaient nécessaires !
M. Manuel Valls, Premier ministre. ...après les débats déjà très longs qui ont eu lieu au sein de la commission spéciale, puis à nouveau, en deuxième lecture, au sein de cette même commission. Je ne dirais pas que tout a été dit, puisque par essence, le débat démocratique permet d’aborder tous les sujets. Toutefois, j’ai considéré, en conscience, avec le Président de la République et le Gouvernement, qu’il fallait recourir à nouveau à l’article 49-3, parce que je ne voulais pas que dix jours supplémentaires soient consacrés non à des débats de fond, mais à des postures, des guerres de tranchées, un ralentissement de l’adoption d’un texte qui doit être mis en œuvre le plus rapidement possible.
Mme Claude Greff. Quel mépris pour le Parlement !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Je veux vous rassurer – même si je ne suis pas certain que cela vous réconforte, mesdames et messieurs de l’opposition –, il y a une majorité pour réformer la France ; cette majorité est solide, aux côtés du Gouvernement, pour redresser notre pays. Il y a une majorité pour voter les budgets. Il y a une majorité pour adopter le pacte de responsabilité et de solidarité. Il y a une majorité pour baisser l’impôt sur le revenu à la rentrée prochaine pour neuf millions de ménages. Il y a une majorité pour réformer notre organisation territoriale.
Mme Claude Greff. Non, vous n’avez pas de majorité !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Il y a une majorité pour engager la France dans la transition énergétique. (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains).
M. Sylvain Berrios. Une majorité pour vous mettre dehors !
M. Manuel Valls, Premier ministre. Il y a une majorité pour moderniser le dialogue social. Il y a une majorité plus large encore pour adopter le projet de loi relatif au renseignement.
Je vous ai bien entendu dire qu’il n’y avait pas de majorité alternative, et je m’en réjouis, car ces propos vont dans le bon sens. Par conséquent, je suis convaincu que vous ne voterez pas la motion de censure de la droite demain, car elle ne correspond pas à ce qu’il faut pour le pays. Aussi, monsieur Chassaigne, continuez à débattre, continuons à discuter.
Mme Claude Greff. Où cela ?
M. Manuel Valls, Premier ministre. Mais le Gouvernement se doit de réformer le pays, de soutenir la croissance et la compétitivité de nos entreprises, là où on crée de l’emploi, notamment dans les PME et les TPE.
Nous allons poursuivre la politique engagée dans le respect du Parlement (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains), en utilisant, bien évidemment, les armes que nous donne la Constitution – c’est cela aussi, la démocratie – parce que le pays a un besoin urgent de réformes. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

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