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Questions au gouvernement

Soutien à la Seine-Saint-Denis

On pourrait y voir un paradoxe : la Seine-Saint-Denis, département le plus jeune de France métropolitaine, vient de payer le plus lourd tribut à la pandémie du covid-19, avec une surmortalité de près de 130 %.

Malheureusement, les causes de cette situation sont bien connues. Le rapport parlementaire lucide et courageux remis par nos collègues Cornut-Gentille et Kokouendo a amplement démontré que la rupture d’égalité républicaine se décline en Seine-Saint-Denis pour toutes les missions régaliennes de l’État : éducation, sécurité, justice, santé.

Vous-même, monsieur le Premier ministre, le 31 octobre dernier, vous êtes rendu sur place, accompagné par plusieurs ministres. Vous avez affirmé, à juste titre : « La Seine-Saint-Denis ne se contentera pas de mots. Elle attend des actes, des solutions, de l’efficacité ». Vous avez présenté un plan d’action comportant vingt-trois mesures.

Huit mois plus tard, vos paroles tardent à devenir des actes. Pourtant, la crise du covid-19 a cruellement démontré la justesse du diagnostic : faute d’investissements, d’équipements et de services publics, la vie est en Seine-Saint-Denis plus difficile, la santé des habitants plus fragile, leurs conditions de vie plus dégradées.

Pourtant, les habitants de la Seine-Saint-Denis ne méritent pas ce traitement. À bien des égards, ce sont eux qui ont le plus contribué à tenir la France debout durant cette crise (Applaudissements), en fournissant les plus gros bataillons de la première et de la seconde lignes. Aujourd’hui, ils s’inquiètent : après avoir été les premiers de corvée, seront-ils les premiers sacrifiés de la crise sociale ?

Monsieur le Premier ministre, la Seine-Saint-Denis est en état d’urgence d’égalité. Les mesures que vous avez annoncées avaient soulevé un certain espoir. Ma question est simple : entendez-vous les mettre en œuvre et si oui, dans quel délai ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI, SOC ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et EDS.)

M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.

M. Édouard Philippe, Premier ministre. Nous étions ensemble le 31 octobre dernier en Seine-Saint-Denis lors de l’annonce du plan. Celui-ci répondait aux interrogations multiples formulées par les habitants et par les parlementaires de Seine-Saint-Denis ; il répondait à un travail collectif ; il répondait au rapport que vous avez cité – un rapport éclairant, dur dans le constat qu’il dresse des inégalités et des fragilités exceptionnelles, mais anciennes observées dans ce département, un rapport qui souligne qu’à département hors norme, il faut des réponses hors norme. Tel est bien le sens du plan comprenant vingt-trois mesures que j’ai présenté – je vous remercie de l’avoir rappelé.

Vous avez raison de dire qu’il est paradoxal que le département le plus jeune de France métropolitaine soit aussi celui qui paie le plus lourd tribut à l’épidémie de covid-19, alors que l’on sait que les populations les plus fragiles, et singulièrement les plus âgées, sont les victimes les plus courantes de cette maladie. J’ai dit à l’occasion du lancement des travaux du Ségur de la santé que la carte des décès correspondait bien trop souvent, hélas, à une autre carte, celle des inégalités sociales.

La Seine-Saint-Denis en est l’illustration : plus grande difficulté d’accès aux soins, plus grande difficulté à bénéficier des indispensables politiques de prévention en matière de santé, plus grande comorbidité… bref, toute une série de facteurs qu’il m’est impossible de détailler ici – mais nous les avons identifiés.

Le paradoxe n’est donc qu’apparent, et c’est pourquoi nous voulons mettre en œuvre des mesures hors norme pour ce département hors normes. Vous dites : l’espoir renaît, mais il faut que les paroles se traduisent par des actes. Eh bien, les actes, monsieur le député, les voici.

La prime de fidélisation qui avait été annoncée, cette prime de 10 000 euros versée aux fonctionnaires après cinq ans de service effectif en Seine-Saint-Denis, sera applicable à partir du mois de juillet prochain ; les décrets seront publiés dans l’intervalle. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et GDR.)

Cinquante policiers supplémentaires dans les deux nouveaux quartiers de reconquête républicaine de La Courneuve et de Saint-Ouen et cinquante nouveaux officiers de police judiciaire seront nommés. Les effectifs seront au complet le 1er septembre prochain. Un des apports du rapport avait été de montrer, notamment pour ce qui concerne les officiers de police judiciaire, combien la Seine-Saint-Denis manquait de ces personnels indispensables au bon fonctionnement de la justice.

La garde des sceaux présentera dans les semaines qui viennent un schéma directeur qui définira les modalités de l’extension du tribunal judiciaire de Bobigny. Celle-ci a été décidée et annoncée, il faut maintenant que le schéma directeur soit rendu public.

En matière éducative, 200 futurs enseignants bénéficieront cette année d’un contrat de préprofessionnalisation. Nous avions souligné combien cet instrument était nécessaire dans ce département, afin de permettre le pré-recrutement, c’est-à-dire la mobilisation des talents au service de l’éducation.

Le préfet de la Seine-Saint-Denis a vu l’enveloppe de la dotation de soutien à l’investissement public local majorée afin de soutenir les investissements dans l’immobilier scolaire, au premier rang desquels le dédoublement des classes de CP et CE1 dans les réseaux d’éducation prioritaire et les réseaux d’éducation prioritaire renforcée, les REP et REP+. Comme il y en a beaucoup, il faut beaucoup d’investissements.

L’enveloppe dédiée a donc été augmentée.

Voilà, monsieur le député, les mesures effectives qui sont prises. Tout indique que leurs effets commenceront à se faire remarquer à partir du mois de septembre prochain. Toutefois, ni vous, ni moi, ni aucun de ceux qui connaissent la situation spécifique de la Seine-Saint-Denis ne nous faisons d’illusions : nous savons tous que ce n’est qu’un travail long, régulier, cohérent, durable, massif qui pourra produire les effets que nous attendons. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC, EDS et GDR.)

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