Interventions

Budget de l’État

PLF 2018 - Cohésion des territoires (commission élargie)

Selon M. le ministre, les APL augmentent parce que les loyers augmentent. Ce n’est qu’en partie vrai : les APL augmentent d’abord parce que la pauvreté augmente, et ensuite seulement parce que les loyers augmentent – mais ils n’augmentent que dans le secteur privé, pas dans le secteur HLM, où ils sont par définition réglementés et conventionnés. Or, c’est sur le seul secteur HLM qu’on va faire peser l’effort ! Il y a là pour moi une grave erreur d’analyse des causes et des conséquences.
L’article 52 aura plusieurs effets pervers. Premièrement, plus un bailleur HLM logera de locataires modestes qui ont droit à l’APL, plus il sera sanctionné : on dissuade donc les organismes HLM de remplir leur mission sociale. Deuxièmement, le fait d’amputer leurs fonds propres aura un effet récessif sur le plan économique. De même, alors qu’on supprime l’APL accession, ce qui va limiter la capacité des plus modestes à accéder à la propriété, on maintient dans le même temps les systèmes de défiscalisation qui ne s’adressent qu’aux multipropriétaires qui veulent accroître leur portefeuille immobilier et consolider ainsi leur rente.
J’attends une grande loi sur le logement et je mets beaucoup d’espoir dans celle que vous allez nous proposer au mois de février – j’espère que vous avez prévu toutes les concertations en amont. Cela dit, pour le moment, j’ai surtout l’impression que les rapporteurs entretiennent la confusion entre, d’une part, une loi de finances qui aurait le pouvoir de changer le modèle du logement et, d’autre part, la future loi sur le logement. Je réitère donc la proposition que j’ai déjà faite au ministre de mettre en place un moratoire sur l’article 52 et sur certains dispositifs de la loi de finances, qu’il serait plus avisé d’intégrer à la grande loi sur le logement. Pour conclure, je dirai que le logement mérite d’être considéré comme une grande cause nationale, et d’être traité à ce titre avec plus de cohérence qu’on ne le fait actuellement.
Réponse du Ministre de la cohésion des territoires M. Jacques Mézard :
Monsieur Peu, vous nous avez interrogés, comme vous l’aviez déjà fait dans le cadre des questions au Gouvernement, sur la question des APL, en soulignant à juste titre que leur augmentation était liée à la fois à l’augmentation de la pauvreté et à la hausse des loyers – nous sommes bien conscients de cette double cause, à l’origine d’une situation ayant donné lieu à la rédaction d’un grand nombre de rapports. Vous avez insisté sur le taux d’effort, qui n’est pas le même dans le parc privé que dans le parc public. Ce point, sur lequel je sais que des amendements ont été déposés, nécessitera une réflexion de la représentation parlementaire et de l’exécutif.
Pour conclure, je vous confirme que l’article 52 est susceptible d’évoluer en fonction des éléments que je vous ai indiqués.
Stéphane Peu :
L’ampleur de la crise du logement dans notre pays est comparable à celle qui régnait lorsque l’Abbé Pierre a lancé son appel en 1954. Une loi « logement » qui fasse du logement une grande cause nationale est forcément d’actualité. Je voudrais appeler l’attention du Gouvernement sur le fait que si nous faisons partie des deux pays européens qui, depuis cent vingt ans, ont réussi à construire un modèle économique du logement social, nous devons être particulièrement vigilants car sa destruction peut être très rapide. Le logement HLM fait partie du modèle républicain. On ne peut pas, au détour d’une loi de finances, saper ses fondements. Or je crains que vos mesures, notamment l’article 52, n’y contribuent.
Les ministres ne peuvent ignorer que certaines propositions font l’unanimité contre elle, du collectif « Droit au logement » jusqu’au Mouvement des entreprises de France (MEDEF). Dans sa dernière lettre, l’Union sociale pour l’habitat (USH) demande un moratoire dans la perspective de la prochaine loi sur le logement afin que ces dispositions soient discutées avec les acteurs concernés

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