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Explications de vote et scrutins

Election des représentants au Parlement européen

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis 1979, année de la première élection européenne, les scrutins successifs ont tous été marqués par une faible participation. À cinq reprises, moins d’un électeur sur deux est entré dans l’isoloir et, une fois seulement, il y a presque quarante ans, la barre des 60 % de participation a été atteinte. Depuis 1999, la participation s’est toujours située au-dessous de 40 %. Cette léthargie participative justifie à elle seule de questionner le mode de scrutin.

Le projet de loi qui nous est proposé a pour colonne vertébrale le rétablissement de la circonscription unique, comme ce fut le cas jusqu’en 1999, donc l’abandon du découpage en huit grandes circonscriptions, qui fut instauré en 2003. Le groupe GDR est favorable à cette orientation. En effet, sans constituer une recette miraculeuse, susceptible à elle seule de « booster » la participation électorale, et encore moins de gommer le rejet de cette Europe technocratique, nous pensons que cette modification va dans le bon sens. Elle aura le mérite de rendre les enjeux plus lisibles, plus politiques et plus compréhensibles, en les débarrassant d’un découpage en circonscriptions qui ne correspond absolument à rien.

Si nous sommes d’accord avec l’épine dorsale du texte, donc, nous sommes davantage contrariés ou circonspects s’agissant des deux vertèbres qui la constituent. Notre premier désaccord concerne le seuil d’accès à la répartition des sièges, que le projet de loi fixe à 5 %. Vous voulez maintenir un seuil aussi élevé pour limiter ce que vous appelez les « effets » du scrutin proportionnel. Mais, pour nous, la juste représentation des sensibilités politiques ne constitue jamais un désordre : elle est au contraire une avancée démocratique nécessaire. Cela nous conduit à plaider pour une absence totale de seuil de représentativité, d’autant plus que l’élection à la proportionnelle, à l’échelle européenne, exclut tout risque de blocage dans la formation d’une majorité. Je rappelle que le seuil de représentativité en vigueur en France est l’un des plus élevés d’Europe.

Nous estimons possible et souhaitable l’absence de seuil pour une représentativité plus juste, à l’instar de ce qui se passe en Espagne, en Belgique et en Allemagne : dans ce dernier pays, un tel seuil est même tout simplement inconstitutionnel. Nous avons défendu une position médiane, qui permettait de gagner en cohérence, en proposant que le seuil retenu pour l’éligibilité, c’est-à-dire 3 %, soit le même que pour le remboursement des dépenses électorales. J’avais perçu, en commission, une certaine ouverture à cette proposition, de la part de M. le rapporteur et d’orateurs de plusieurs groupes. Malheureusement, une fois de plus, la majorité présidentielle a fermé toutes les portes entrouvertes, rejeté toutes les propositions et refusé le débat parlementaire, s’alignant sur les choix du Gouvernement.

Notre second désaccord concerne l’article 2, donc les règles d’organisation de la campagne officielle à la radio et à la télévision. Comme je l’ai indiqué en commission, nous souhaitons un temps de parole équilibré. Or le mode de calcul proposé conduit au contraire à un déséquilibre patent, car il donnerait un temps de parole disproportionné à la liste de la majorité présidentielle. Sur les deux heures réservées aux partis représentés à l’Assemblée nationale et au Sénat, l’expression des communistes serait de trois minutes, celle de la France insoumise de deux minutes et celle de la République en marche de cinquante-cinq minutes. C’est là un véritable étouffoir des forces politiques qui contestent la philosophie libérale de l’Union européenne.

Car oui, nous pouvons être des Européens convaincus tout en étant contre les orientations de la Banque centrale européenne.

S’agissant des listes constituées par des partis ou des mouvements non représentés par un groupe parlementaire, le résultat est pire encore. Ces listes bénéficieraient, si l’on peut dire, de deux minutes de temps de parole : là encore, l’expression pluraliste est évaluée au rabais. De surcroît, ce processus électoral ne prend pas en compte les spécificités ultramarines, alors que le traité de l’Union européenne lui-même consacre un article spécifique à ces territoires : je veux parler de l’article 349 qui, relatif aux régions ultrapériphériques, devrait en effet trouver une traduction dans ce texte électoral.

En conclusion, malgré le rétablissement de la circonscription unique, le groupe GDR votera contre ce projet de loi en l’état parce qu’il contient des manquements graves au respect du pluralisme dans les médias et méprise la juste représentation des sensibilités politiques.

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Vote solennel

Analyse du scrutin : élections des représentants au Parlement européen - 20 février 2018
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