Interventions

Explications de vote et scrutins

Transition énergétique

Monsieur le président, madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, monsieur le président de la commission spéciale, madame et monsieur les rapporteurs de la commission spéciale, chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion en nouvelle lecture d’un texte qui fixe à notre pays des objectifs ambitieux en matière de transition énergétique.
Les engagements à tenir en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre obligent les pays industrialisés. Je pèse mes mots : ils les obligent. Ceux-ci doivent reconnaître et assumer leurs responsabilités, au plan international comme au plan national.
À l’évidence, nos émissions impliquent des changements radicaux de modes de vie, et une réorientation des structures économiques et des outils productifs tout aussi radicale, d’une ampleur considérable.
Nous nous félicitons donc que notre assemblée ait redonné à ce texte ses ambitions initiales, en fixant des objectifs clairs et chiffrés, réalistes et atteignables, de réduction de notre empreinte carbone.
Notre assemblée a fait de nouveau de la réduction de moitié de la consommation d’énergie totale en 2050 un objectif ferme. Elle a rétabli le palier intermédiaire d’une baisse de 20 % en 2030.
Il était aussi important d’inscrire dans la loi un objectif de réduction de la part du nucléaire dans le mix énergétique, ce dernier ne devant pas rester un simple mot. Nous considérons toutefois qu’un tel objectif n’a de sens que s’il est fonction des progrès réalisés en matière d’économie d’énergie et d’énergies renouvelables, de façon à éviter l’écueil du recours aux énergies fossiles.
La navette parlementaire aura permis d’apporter quelques améliorations au texte initial. Il y a les mesures contre le gaspillage alimentaire, ou l’obligation de rénovation énergétique de tous les bâtiments privés résidentiels, et non des seuls logements locatifs du parc privé comme le souhaitait le Sénat.
Notons aussi le rétablissement de l’interdiction généralisée des coupures d’eau en cas d’impayés,…
M. François Brottes, président de la commission spéciale. C’est bien !
M. André Chassaigne. …les mesures visant à doter l’État et les collectivités de flottes d’autocars et d’autobus propres, la mise en œuvre d’un tarif réduit des abonnements autoroutiers pour les véhicules légers à très faibles émissions et ceux utilisés en covoiturage.
Le texte soumis à notre vote cet après-midi permet en outre de préserver le statut des personnels des filières électriques et gazières. Il inclut l’exposition à la radioactivité dans les critères de pénibilité, et soumet le chèque-énergie à un dispositif d’expérimentation plutôt que d’entériner la disparition – que nous combattons – des tarifs sociaux.
Sur l’éolien, la position de compromis trouvée n’est pas satisfaisante. La distance minimum de 500 mètres entre éoliennes et habitations, qui est maintenue, reste insuffisante.
M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale. C’est trop !
M. André Chassaigne. Certes, notre assemblée a réaffirmé que cette distance resterait fixée au cas par cas par arrêté préfectoral pour chacun des parcs. Cela reste cependant peu protecteur pour les habitants, alors que l’Organisation mondiale de la santé, tout comme l’académie de médecine en France, fixe à 1 500 mètres la distance nécessaire entre éoliennes et habitations.
M. Denis Baupin, rapporteur de la commission spéciale. C’est faux !
M. André Chassaigne. Vous connaissez nos autres points de désaccord avec ce texte.
Il y a d’abord l’inadéquation entre l’ambition affichée et les moyens mis en œuvre. Pour réussir la transition énergétique, il faut en faire une priorité réelle de politique économique et budgétaire – ce n’est pas le cas. Avec 10 milliards d’euros sur trois ans, nous sommes loin des 15 à 20 milliards par an qui seraient nécessaires pour mener à bien un programme ambitieux. Madame la ministre, le constat est édifiant : début mai, certaines délégations départementales de l’Agence nationale de l’habitat ne disposent déjà plus des fonds nécessaires pour accepter de nouveaux dossiers d’économies d’énergie.
À l’instar de nos collègues du Sénat, nous constatons par ailleurs que votre projet de loi s’inscrit dans une démarche d’ensemble dangereuse tendant à la privatisation du secteur de l’énergie : privatisation du secteur historique de l’hydroélectricité, quel qu’en soit l’habillage,…
Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure de la commission spéciale. Non, monsieur Chassaigne, non !
M. André Chassaigne. …territorialisation de l’énergie aux dépens des solidarités territoriales,…
M. Denis Baupin, rapporteur. C’est bien, ça, la territorialisation de l’énergie !
M. André Chassaigne. …renforcement, sous couvert de la réalisation d’économies d’énergie, du marché de l’effacement au profit de monopoles privés. Ces évolutions sont gravissimes et constituent la raison principale pour que nous ne votions pas ce texte.
À rebours de ces orientations, nous continuons d’affirmer la nécessité d’une maîtrise publique de l’énergie, seule garante de l’intérêt général et de l’égalité de tous en tout point du territoire.
Nous continuerons de défendre sans relâche le service public, qui est incontournable. Les marchés et le recours exclusif au secteur privé, avec leurs logiques de profit à court terme, ne peuvent en effet nous permettre de nous hisser à la hauteur des enjeux de la transition énergétique. Ces enjeux nécessitent des temps longs et d’importants investissements publics.
En dépit de ces très graves insuffisances, nous prenons en compte l’importance des objectifs affichés par la France à quelques mois de la COP21. C’est au regard de cette considération et des quelques avancées acquises en nouvelle lecture que les députés du Front de gauche s’abstiendront sur ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

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